Le placebo est-il une tromperie ?

Les placebos sont des " faux médicaments ", au sens où ils ne contiennent pas de produit actif. Mais leur efficacité psychologique est souvent importante, et ils réduisent par exemple de 30 % à 60 % l'intensité de la plupart des douleurs (dont les douleurs cancéreuses). Cette contradiction entre leur absence de contenu actif et leur réelle efficacité pose problème : les placebos sont-ils des tromperies inacceptables ou des bienfaits inestimables ? La polémique dure depuis... des siècles.

Petr Skrabanek et James McCormick, professeurs de santé publique à l'Université de Dublin avaient pour tâche d'enseigner l'esprit critique aux étudiants en médecine. Le contenu de leurs cours a été repris dans plusieurs livres, à la lecture parfois passionnante. Comme l'extrait suivant, qui parle du placebo, et montre que les polémiques actuelles sur leur utilisation ne sont que la reprise, sous une autre forme, d'un débat déjà ancien.

" Le terme placebo, pris au sens médical, a fait son apparition au XIXe siècle, mais son principe remonte à des temps immémoriaux. Dans un éditorial de la Medical Press de 1890, l'éditeur cite le cas d'une femme qui contestait les honoraires de son praticien: celui-ci lui avait présenté comme une piqûre de morphine ce qui n'était en fait qu'une injection d'eau. Le tribunal donna raison à la patiente contre le médecin. Les commentaires de l'éditeur sont les suivants: " Nous le regrettons, mais il semble que la loi ne soit pas favorable aux placebos: si elle n'aime pas les médicaments discrets mais utiles, le glas des placebos a sonné. Mais quel bien ils ont fait ! Songeons à la pillula panis (petite boule de pain roulée entre les doigts et recouverte de sucre), douce, parfaitement neutre et pourtant réconfortante, qui ne soulagera plus jamais l'hystérie des femmes oppressées, qui n'exercera plus jamais ses effets psychologiques aussi remarquables et rapides que ses équivalents plus toxiques. Pensons également à notre vieil ami Aq. Menth. Pip. (autrement dit la menthe à l'eau). On en peut nier que le bien que les placebos ont fait leur survivra. "

Et les auteurs d'ajouter, avec l'esprit critique (et même caustique) qui a fait leur réputation:" La croyance du médecin en l'efficacité de son traitement et la confiance du patient à son égard agissent synergiquement l'une et l'autre. Le remède garantit alors presque à coup sûr une amélioration et parfois une guérison. Lorsqu'on discute de l'effet placebo, on incrimine en général la crédulité des maladies et on ignore la façon dont les médecins s'illusionnent eux-mêmes. Platt a ainsi constaté avec amertume que la fréquence d'utilisation des placebos était en relation inverse avec l'intelligence combinée du médecin et de son malade. "

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Source : Skrabaneck P. et McCormick J. " Idées folles, idées fausses en médecine " Odile Jacob éd. Coll. Opus, Paris 1997, 196 pages.