Interview : Vivre avec une maladie des reins

Nombre de patients ont des difficultés pour obtenir des informations sur leur insuffisance rénale. Or celles-ci sont essentielles pour mieux accepter et freiner l'évolution de leur maladie. Un guide accessible au grand public, réalisé sous la direction du Pr Michel Olmer*, vient de paraître.
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e-sante : Quel est actuellement le nombre de Français touchés par l'insuffisance rénale ? Ce chiffre est-il en augmentation ? Si oui, pourquoi ?

Pr. Michel Olmer : A l'heure actuelle, le nombre exact de patients souffrant d'insuffisance rénale n'est pas connu. En revanche, il est estimé à un peu plus de deux millions. Ce chiffre est effectivement en hausse du fait de l'augmentation dans la population des cas d'hypertension, de diabète et de l'allongement de l'espérance de vie. Cet accroissement de la longévité entraîne, chaque année en France, une hausse de 2,5 à 5% du nombre de patients dialysés de plus de 65 ans. Le diabète fait partie des maladies en très forte croissance. Les mauvaises habitudes alimentaires font croître l'obésité, principale maladie menant au diabète. Or un diabète, qu'il soit de type 1 (insulinodépendant) ou de type 2 (« diabète gras »), retentit indéniablement après un certains nombre d'années sur les reins.L'hypertension artérielle est très fréquente, voire très banale, et malheureusement pas forcément bien prise en charge : les patients ne se font pas toujours bien suivre, ne prennent pas systématiquement leur médicament et n'ont pas nécessairement un bon contrôle de leurs valeurs tensionnelles, ce qui est préjudiciable pour le rein mais aussi pour le coeur.Pour finir, citons les causes toxiques, en particulier médicamenteuses. Il existe en effet des médicaments très actifs et à risques, comme le lithium ou certains antibiotiques. Soulignons que chez les sujets âgés dont les reins sont fragilisés par le processus normal de vieillissement, certaines associations de médicaments aux diurétiques en particulier risquent d'entraîner une insuffisance rénale. On peut encore citer comme cause toxique les rares intoxications professionnelles dues au cadmium.

e-sante : Peut-on freiner l'évolution de cette maladie, ou mène-t-elle systématiquement à la dialyse ou à la greffe rénale ?

Pr. Michel Olmer : On peut la freiner en la diagnostiquant. Dans ce but, il est nécessaire de rechercher une éventuelle protéinurie, une hématurie ou une leucocyturie. Ces examens se réalisent aujourd'hui facilement et à un faible coût sur des bandelettes.Chez des patients à risques ayant une hérédité de pathologie rénale (polykystose notamment), ou qui ont des antécédents familiaux ou personnels d'hypertension artérielle, de diabète ou qui sont âgés, il est indispensable de doser la créatinine dans le sang. Depuis peu, les laboratoires calculent automatiquement la clairance de la créatinine. Cet examen est très important, mais n'est pas toujours simple à interpréter surtout chez les sujets âgés. En effet, il faut vérifier si le résultat correspond bien à une insuffisance rénale, car physiologiquement la fonction rénale diminue avec l'âge. A partir de 40 ans, voire avant, on perd à peu près 10% de sa fonction rénale à chaque décennie. A 80 ans on peut ainsi avoir perdu la moitié de sa fonction rénale en ayant des reins qui n'ont jamais souffert, mais simplement du fait de leur vieillissement. Ils sont donc plus sensibles à toute agression.Une fois la maladie rénale chronique diagnostiquée, il faut en rechercher sa cause et la traiter au mieux. Si c'est un diabète, il faut qu'il soit parfaitement contrôlé par le traitement. S'il s'agit d'une hypertension, il est impératif d'obtenir des valeurs tensionnelles stables et maintenues plutôt plus basses que la normale, surtout chez les diabétiques. Il est nécessaire d'adapter les apports alimentaires en fonction d'un diabète ou d'une hypertension. Et si l'insuffisance rénale est sévère, on doit réduire un peu l'apport protéique. Il s'agit d'une réduction, mais jamais d'une suppression ! L'organisme a besoin de protéines, en les réduisant trop, on risque une dénutrition qui peut être dangereuse. Enfin, il existe des médicaments relativement actifs en tant que néphroprotecteurs. Ce sont les « inhibiteurs d'enzyme de conversion ». Ils diminuent la protéinurie, même sans hypertension artérielle, et sont très efficaces, en particulier chez le diabétique. Ils constituent un excellent moyen de freiner la destruction du rein mais, hélas, ne la suppriment pas.

* Le Pr Michel Olmer, néphrologue à Marseille, a dirigé et coordonné cet ouvrage, « Vivre avec une maladie des reins », avec le parrainage de la Société de néphrologie, la Société Francophone de Dialyse, la Fédération nationale d'aide aux insuffisants rénaux (FNAIR), la fondation du rein et la ville de Marseille.

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