Interview : Il faudrait rembourser les substituts nicotiniques

Rembourser les substituts nicotiniques et les médicaments d'aide à l'arrêt du tabac, c'est, selon le Pr Bertrand Dautzenberg, pneumologue et Président de l'Office Français de prévention du tabagisme, aider à prévenir le cancer, mais c'est aussi diminuer dans l'année les dépenses de santé. Nous l'avons interrogé.

Selon le B. Dautzenberg, cette mesure devrait être prise dans le cadre du prochainPlan Cancer, car c'est de toutes les mesures qui seront présentées, celle qui aurait le meilleur rapport coût/efficacité. Explications.

e-sante : Sur quels arguments se fonde cette proposition ?

Pr Bertrand Dautzenberg : Les pays qui surveillent le plus leurs dépenses de santé remboursent l'arrêt au tabac ; c'est notamment le cas du Royaume-Uni. Aux USA, pays souvent accusé de prendre ses décisions de santé sur la base du calcul économique plutôt que d'objectifs de santé publique, plus de la moitié des Etats et les systèmes privés (HMO) prennent aussi en charge les médicaments d'aide à l'arrêt du tabac. D'autre part, les données s'accumulent pour montrer que le remboursement ou la gratuité des médicaments d'aide à l'arrêt augmente le nombre de personnes qui arrêtent de fumer, sans diminuer l'efficacité du sevrage tabagique, voire en améliorant cette efficacité dans les populations défavorisées.On sait depuis des années qu'augmenter le nombre de personnes qui arrêtent de fumer est économiquement bénéfique à long terme pour le système de santé, mais on a maintenant de nombreux arguments en faveur d'un bénéfice économique à très court terme.

e-sante : Sait-on chiffrer ce bénéfice économique potentiel ?

Pr Bertrand Dautzenberg : Le coût des médicaments est d'environ 150 euros par personne soit, pour 1 million de tentatives prolongées d'arrêt de tabac par an, 150 millions d'euros. Si le taux de remboursement est de 35%, le coût pour l'assurance maladie sera d'environ 50 millions d'euros/an. Face à cette dépense, plusieurs sources d'économies existent :

  • les infections saisonnières des jeunes enfants : leur coût est de 167 euros par enfant et par an soit, pour 4 millions de jeunes enfants en France, 670 millions d'euros par an. Sachant qu'il existe un excès de 57% des maladies saisonnières chez les enfants dont l'un des deux parents fume par rapport à ceux dont les parents ne fument pas, si grâce au remboursement des produits d'aide à l'arrêt du tabac, le taux de parents fumeurs passe seulement de 34% à 30%, le bénéfice en dépenses de santé pour leurs enfants sera de 50 millions d'euros/an, soit le coût du remboursement annuel des substituts nicotiniques !
  • les maladies coronariennes : si un quart des coronariens qui fument malgré leur maladie arrêtaient la cigarette, l'économie serait de plus de 50 millions d'euros, soit là encore le coût du remboursement des produits d'aide à l'arrêt du tabac pour tous, coronarien ou non ;
  • les arrêts de travail : les fumeurs ont en moyenne par an, 3 jours de plus d'arrêt de travail que les non-fumeurs. Le coût de ces arrêts supplémentaires dépasse très largement le coût du remboursement des produits d'aide à l'arrêt.

Ainsi aider à arrêter de fumer rapporte beaucoup et rapidement contrairement à une idée reçue. Chacun des cas envisagés peut à lui seul, dans l'année, permettre de récupérer le coût de l'investissement en santé consécutif au remboursement par l'assurance maladie de ces produits.Les bénéfices économiques liés à la prévention des cancers par l'aide à l'arrêt du tabac, bien que plus tardifs que les cas envisagés ci-dessus, sont eux aussi énormes. Rembourser les substituts nicotiniques c'est ainsi donner aussi plus de vie, ce qui est un des objectifs du plan cancer.

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