Génome humain : soyons pragmatiques !

L'annonce de la description du génome humain n'est que le début de nouvelles voies de recherches. La compétition public-privé et les débats sur la propriété de notre carte génétique ne doivent pas nous faire perdre de vue les vrais enjeux : trouver des solutions thérapeutiques efficaces.
Sommaire

La face est sauve: le consortium international public HGP (Human Genome Project) qui regroupe 18 pays dans un programme de recherche piloté par les Etats-Unis a publié le premier la carte du génome humain. Ce fut l'occasion pour tous les hommes politiques d'affirmer que nos chromosomes sont la propriété de tous, de l'humanité tout entière. Pouvaient-ils dire autre chose? Des articles ont fleuri sur l'ère nouvelle des thérapies géniques et leurs applications prometteuses, notamment les dépistages précoces des risques de cancer, de diabète et d'accidents vasculaires cérébraux.

Mais quelle est la situation réelle aujourd'hui? En pratique, le consortium International Public a fini de séquencer 20 à 30% du génome humain, et au total 90% sous forme de brouillon. Parallèlement, la société privée Celera Genomics a, pour sa part, séquencé 98% du même génome. Le danger était réel qu'elle franchit officiellement la ligne d'arrivée en premier !

L'enjeu de la non brevetabilité des gènes

Derrière cette compétition public-privé se cachent des enjeux importants pour la santé de tous. Car décrire un gène ne sert pas à grand chose si l'on ne sait pas comment en déduire une application pratique, et c'est là que réside la difficulté de la propriété. Deux cas de figures sont alors possibles: les gènes sont brevetables ou ils ne le sont pas.

S'ils ne le sont pas, ce que souhaitent maintenant tous les hommes politiques et ceux qui soutiennent la pétition humangenome, ce n'est pas pour autant que leurs découvertes seront nécessairement publiques… Comprenons bien: une société ou un organisme public qui a découvert un gène mais ne sait pas encore à quoi il sert n'a aucun intérêt, sans attribution d'un brevet, à en publier la description car cela reviendrait à donner gratuitement, à d'autres équipes de recherches concurrentes, la possibilité de trouver des applications innovantes à leur place. Ceci explique pourquoi la grande majorité des gènes découverts aujourd'hui est jalousement gardée par des laboratoires de recherches qui tentent d'avancer sur le chemin de l'innovation thérapeutique. Peut-on leur en vouloir? Nous pensons que non, d'autant plus que la connaissance théorique et non appliquée n'est pas très utile. Par exemple, à quoi cela sert-il de prédire la survenue d'une maladie que l'on ne peut pas encore soigner?

L'enjeu de la brevetabilité des gènes

Pourquoi dans un tel contexte la commission européenne avait-elle, dans une directive de 1998 établi que tout élément du corps humain, "élément isolé ou autrement produit par un procédé technique, y compris la séquence ou la séquence partielle d'un gène, peut constituer une invention brevetable, même si la structure de cet élément est identique à celle d'un élément naturel"? Il s'agissait de favoriser les équipes de recherche publiques qui sont plutôt fondamentales par opposition aux équipes privées qui font essentiellement de la recherche appliquée. Il s'agissait aussi de favoriser la diffusion de l'information sur le génome humain en donnant un bonus aux découvreurs de façon à ce qu'ils ne gardent pas leurs découvertes pour eux, avant d'en avoir découvert par eux-mêmes les applications pratiques. Comme on le voit, cette position se défendait aussi et avait vocation d'accélérer les recherches. Elle avait aussi pour objectif de défendre l'Europe contre les Etats-Unis dont la législation sur les brevets est beaucoup plus souple (ils peuvent par exemple breveter des logiciels et nous pas !). Mais psychologiquement imaginer une propriété sur le génome humain n'est pas supportable…

Notre Newsletter

Recevez encore plus d'infos santé en vous abonnant à la quotidienne de E-sante.

Votre adresse mail est collectée par E-sante.fr pour vous permettre de recevoir nos actualités. En savoir plus.

Source : Figaro lundi 26 juin 2000 www.respublica.fr/sos.humangenome/index1.htm