Alcool et coeur : une polémique durable !

Les études mettant en avant le pouvoir cardioprotecteur de l'alcool ont pour principal défaut de ne pas renseigner sur la mortalité globale, notamment celle induite par l'alcool. Par ailleurs, il existe d'autres moyens, moins nocifs que l'alcool, de réduire le risque de mortalité cardiovasculaire.

Encore une étude (1) qui conclut à l'effet protecteur, sur le plan cardiovasculaire, d'une consommation modérée d'alcool : 38 077 hommes bien portants ont été suivis durant 12 ans, leur consommation d'alcool étant analysée. Le nombre d'infarctus du myocarde durant cette période s'est élevé à 1 418 ; les hommes consommant de l'alcool au moins 3 ou 4 fois par semaine avaient un moindre risque d'infarctus que les autres, cette diminution du risque étant indépendante de la nature des boissons alcoolisées consommées.

Alors, est-ce une raison pour consommer de l'alcool demande Ira J.Goldberg (2) dans un édito paru dans le même journal ? Son éditorial est très nuancé, critiquant les études comme celle citée plus haut dans la mesure où elles ne donnent aucune information sur la mortalité globale de ces mêmes hommes ou sur des habitudes de vie qui pourraient, aussi bien que la consommation d'alcool, être associées à un moindre risque cardiovasculaire (activité physique, absence de diabète, faible consommation de graisses, apports importants d'agents anti-oxydants dont la vitamine E…).

Deuxième critique de l'éditorialiste : la reproductibilité de ces résultats sur un modèle animal. Si certaines études mettent en avant, pour expliquer ce soi-disant effet cardioprotecteur de l'alcool, des arguments biologiques tels que l'effet antiagrégant plaquettaire, la modification du profil lipidique avec notamment une hausse du mauvais cholestérol, le résultat observé chez l'homme devrait être reproductible sur l'animal. Or, l'administration d'alcool chez l'animal n'a jusqu'à présent jamais pu démontrer son efficacité pour réduire le processus athéroscléreux.

Quoiqu'il en soit, I.Goldberg s'interroge sur le conseil à donner aux patients. « La substitution d'une maladie par une autre n'est en aucun cas un progrès » souligne l'auteur, considérant qu'en aucun cas, il n'est acceptable de mettre en avant les bienfaits d'une consommation d'alcool pour réduire le risque cardiovasculaire alors que d'autres moyens, nettement plus sains à différents égards existent, tels que l'activité physique, une meilleure alimentation, l'abstinence tabagique ou encore la correction d'une hypertension artérielle ou d'un excès de cholestérol. Et de conclure que si l'alcool était découvert cardioprotecteur aujourd'hui, aucune firme pharmaceutique n'envisagerait, au vu des données concernant ce produit, de le développer dans la prévention des maladies cardiovasculaires ; pas plus qu'un médecin ne pourrait recommander l'alcool, même s'il réduisait la mortalité cardiovasculaire : en effet, l'alcool est responsable par ailleurs d'accidents, de cancers ou de maladies du foie ! Faut-il en arriver à une étude contrôlée dans laquelle des patients ayant une maladie coronarienne seraient répartis au hasard en deux groupes, l'un recevant un traitement conventionnel, l'autre recevant en plus de petites quantités d'alcool ? En posant ainsi la question, loin de conclure, l'auteur ouvre un nouveau débat !

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Source : (1) Mukamal KJ. Et coll. Roles of drinking pattern and type of alcohol consumed in cornary heart disease in men. New England Journal of Medicine 2003 ; 348 : 109-118. (2) Goldberg I.J. To drink or not to drink ? New England Journal of Medicine 2003 ; 348 : editorial.