Le jeûne est-il une arme contre le cancer ?
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Jeûne : risque de malnutrition et de perte de poids

Par ailleurs, la malnutrition et la perte de poids sont reconnues comme des facteurs majeurs de dégradation du pronostic des personnes cancéreuses. La différence entre les adultes et les personnes âgées est qu’après une restriction calorique, même en s’alimentant à volonté, ces dernières ne récupèrent pas leur poids de départ (2). Le risque est grand d’entrer alors dans la dénutrition.

De plus, chez les adultes âgés ou non, la dénutrition aggrave la mortalité et les complications chez les patients cancéreux (3).

Chimiothérapie : le jeûne pour mieux faire passer la pilule ?

L’autre idée que l’on entend souvent est que le jeûne sensibiliserait les cellules tumorales à la chimiothérapie, afin d’en augmenter l’efficacité.

Ce postulat se fonde sur le fait qu’à jeun, les cellules saines inactivent certains mécanismes internes et se « mettent au repos ». Elles seraient donc moins sensibles à la chimiothérapie que les cellules cancéreuses qui continuent, pour leur part, leur croissance rapide.

Ce concept de « préserver les cellules saines » sous chimiothérapie est développé par des chercheurs italiens conduits par le Dr Walter Longo. A ce jour, ses études sur des cellules tumorales en milieu de culture privé de nutriments sont mitigées : ce qui vaut pour certains types de tumeur (mélanome) ne vaut pas pour d’autres (cancer du sein) (4). Et chez la souris, à l’inverse, le jeûne juste avant une chimiothérapie réduit drastiquement l’espérance de vie (type de cancer étudié : le neuroblastome, un cancer de l’enfant).

Pr Christophe Moinard : « Chez l’Homme, sur les quatre essais cliniques en cours dans le monde, un seul a été publié (6). Il regardait la tolérance de la chimiothérapie chez des femmes ayant un cancer du sein ayant jeuné 24 h auparavant. Chez elles, la toxicité semble moindre (évaluée au moyen du taux de globules rouges). Néanmoins, la méthodologie laisse à désirer (effectifs très faibles et résultats non significatifs du point de vue statistique) et il y a deux fois plus d’effets indésirables dans le groupe "à jeun". Difficile de conclure…

En résumé, le concept de jeûne est intéressant mais il est loin d’être validé à ce jour. Ce pourrait être utile dans un type de cancer particulier, car tous ne réagissent pas de la même manière à un jeûne ».

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Source :  (1) Kaalany et al. Nature 2007 ; (2) Roberts J et al. JAMA 1994 ; (3) Pressoir M et al. Br J Cancer 2010 ; (4) Lee et Longo Oncogene 2011 ; (5) Raffaghello Let al.  PNAS 2008 ; (6) De Groot et al. BMC Cancer 2015
En direct de la Journée Annuelle Benjamin Delessert 2017 (1er Février, Paris), avec la participation du Pr Christophe Moinard, laboratoire de Bioénergétique Fondamentale et Appliquée, INSERM U 1055.