La bigorexie, ou la dépendance au sport
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Alors, comment se rendre compte si une personne qui pratique un sport intensif en est à un stade de compulsion ?

Ce n'est pas forcément évident, puisque tout le monde peut ressentir le plaisir de la libération d'endorphines, tout le monde apprécie d'augmenter son estime de soi, et personne ne peut affirmer être totalement comblé affectivement ni se sentir magnifiquement beau dans sa tête ou dans le regard des autres ! La différence se fait au niveau du comportement dans la vie quotidienne.

Quand une personne qui menait jusqu'ici une vie normale est atteinte de bigorexie, elle va changer de vie. Sa vie va finir par tourner uniquement autour du sport : par exemple, les loisirs deviennent quasiment uniquement tournés vers la pratique sportive, le choix d'un partenaire sera celui de quelqu'un issu du même milieu sportif et l'entraînement devient un vrai rituel. Tout le temps est organisé autour du sport, tout passe après le sport, même pour un non professionnel qui planifie ses autres activités de manière à libérer du temps pour son entraînement. Pratiquer son sport devient une obsession qui prend toute la place, qui envahit sa vie.

Si ce tableau existe chez les non professionnels du sport, il est présent, semble-t-il, chez environ un tiers des sportifs professionnels. Pendant leur carrière sportive, cette dépendance au sport peut ne pas être très visible car elle semble naturelle. C'est à la fin de cette carrière que l'on perçoit souvent le problème. En effet, « près d'un tiers des sportifs de haut niveau est contraint de subir une cure de désintoxication après l'arrêt de leur pratique sportive » (1).

L'addiction au sport peut aussi avoir des effets positifs

Alors, faut-il soigner cette « maladie » ? Peut-être. Mais attention. Cette addiction a aussi des effets très positifs. Au-delà de l'évidence que le sport est bon pour la santé, la pratique intensive peut jouer le rôle d'un anesthésiant émotionnel et bloquer la résurgence d'importantes douleurs psychiques. Ainsi, certaines dépressions sont-elles contenues, masquées par cette pratique sportive. D'autre part, un nombre non négligeable des « bigorexiques » ont en fait remplacé une addiction plus grave (substance psychogène, alcool, etc.) par l'addiction au sport, ce qui est un moindre mal. On peut alors considérer que cette addiction est une solution pas totalement satisfaisante à un problème sous-jacent. Cela dit, l'idéal serait bien sûr d'être capable de vivre sans addiction en sachant profiter du plaisir du sport. Cependant, chez les personnes dont la conduite compulsive a des conséquences très néfastes sur leur vie personnelle et relationnelle, une psychothérapie semble incontournable.

(1) « Corps, sport et dépendance » de Stéphane Abadie, un article paru dans l'excellente revue Cerveau et psycho de juillet-août 2007. « L'addiction à l'exercice physique » de Dan Véléa, Docteur en médecine, Centre médical Marmottant, Paris 75017, dans la revue Psychotropes - Vol. 8 nos 3-4.

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