Violences conjugales : quel est le rôle du médecin généraliste ?

Les violences conjugales ont été reconnues à partir des années 1970 par l’ONU comme une violation des droits fondamentaux des femmes. Il s’agit donc d’un type de violences prises en compte de façon relativement récente, et dont la prise-en-charge était axée principalement sur le versant social et judiciaire. Pourtant, en France, une femme meurt en moyenne tous les trois jours sous les coups de son conjoint. Il est donc apparu primordial de pouvoir détecter les victimes de ces violences le plus tôt possible en impliquant de plus en plus les professionnels de santé, notamment le médecin généraliste qui, du fait de sa place centrale au cœur des familles, semble avoir un rôle fondamental à jouer.
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Violences conjugales : l’empathie du médecin généraliste comme premier levier

Le médecin généraliste a un rôle de pivot dans la santé des familles qu’il suit régulièrement. Étant en première ligne, il est logiquement celui à qui une femme peut confier lors d’une consultation ses difficultés de couple, difficultés qu’elle aura souvent tendance à minorer, évoquant un simple conflit. Or, dans un conflit, l’homme et la femme sont à égalité, et des échanges sont possibles entre eux.

Dans une situation de violences conjugales, il y a un rapport de domination dans lequel la victime a peur. Le médecin généraliste pourra commencer à faire prendre conscience à sa patiente que ce qu’elle vit n’est pas normal et est illégal ; son écoute et son empathie seront ses premières armes contre l’emprise exercée par l’auteur des violences conjugales sur sa victime.

Il faut savoir également que les violences conjugales suivent un cycle : tout d’abord, la rencontre ou la lune de miel où est la victime est pleine d’espoir ; puis vient la phase d’escalade avec un climat de tension ; ensuite survient l’agression au cours de laquelle la victime est déprimée ; enfin, la phase de justification au cours de laquelle l’auteur de l’agression inverse la culpabilité de sorte que la victime se sente responsable de ce qui lui arrive ; puis on revient à la phase de la lune de miel.

Ce cycle explique la confusion des victimes, souvent incapables de se décider à quitter l’auteur des violences, ou retournant au domicile conjugal après être parties. Le médecin ne les jugera pas, mais les accompagnera dans leurs choix pour qu’elles puissent sentir qu’elles peuvent toujours compter sur lui pour les aider quoi qu’elles décident.

Le médecin généraliste a donc une place privilégiée et une empathie qui permettent à certaines femmes de révéler des violences qu’elles vivent au sein de leur couple.

Les répercussions des violences conjugales sur la santé

Beaucoup de victimes de violences conjugales n’oseront cependant pas se livrer à leur docteur, mais celui-ci pourra être alerté par les retentissements sur leur santé. En effet, que les violences soient psychologiques, physiques, ou sexuelles, elles ont des conséquences sur la santé physique et mentale.

Les victimes de violences physiques peuvent évidemment présenter de façon répétée des hématomes, des plaies, des contusions dont l’origine est souvent floue, ou ne semblant pas plausible. Certaines femmes refusent de se déshabiller lors de l’examen chez le médecin généraliste pour cacher des marques. La grossesse est également une période de vulnérabilité qui peut aggraver ou déclencher les violences conjugales : le ventre est alors plus souvent visé. Il y a notamment un risque augmenté d’hémorragie, de fausse-couche, d’accouchement prématuré.

Les victimes de violences conjugales présentent souvent des douleurs abdominales ou pelviennes, des brûlures d’estomac, ou autres manifestations pouvant être liées au stress : ces plaintes sont volontiers répétées, rebelles aux traitements, d’origine psychosomatique.

Par ailleurs, les violences conjugales, actuelles ou anciennes, ont des répercussions importantes sur la santé psychique des victimes, se manifestant par des troubles du sommeil ou de l’alimentation, des phobies, une hypervigilance avec des sursauts exagérés. Il y a également deux fois plus de dépressions et un risque suicidaire cinq fois plus élevé que dans la population générale. Pour survivre à ces états de stress intense, les victimes vont chercher à anesthésier leurs sens, à ne plus rien ressentir en prenant des toxiques : les conduites addictives sont deux fois plus fréquentes que dans la population générale.

Les enfants sont également des victimes dans les situations de violences conjugales et peuvent présenter des symptômes tels qu’un comportement régressif, une agitation ou au contraire une grande passivité, de l’agressivité, une anxiété importante.

Mais, si certains signes peuvent alerter le médecin généraliste, la plupart des symptômes ne sont pas spécifiques de violences conjugales, d’où la difficulté à mettre en lumière ces situations.

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Source : *Dr Piau Charruau, 2006
- Court-métrage « Anna » de la MIPROF sur le rôle du médecin généraliste : http://www.dailymotion.com/video/x3f1flm_anna-film-de-joanna-bedeau-film-de-sensibilisation-des-violences-conjugales-pour-la-formation-des-me_news
- Numéro de violences femmes info : 3919 (appel anonyme et gratuit)
- www.stop-violences-femmes.gouv.fr