Les substituts nicotiniques sont-ils efficaces ?

Pourquoi les fumeurs qui utilisent des substituts nicotiniques (pastilles, gommes, patchs) reprennent-ils la cigarette quelques semaines plus tard ? Une équipe de chercheurs intrigués par la faible performance à long terme de ces substituts du tabac, apporte une explication scientifique.

Nicotine et dépendance

La nicotine est considérée comme la substance présente dans la fumée du tabac qui provoque la dépendance. C'est pourquoi des substituts nicotiniques ont été mis sur le marché pour aider les fumeurs dans leur démarche de sevrage tabagique. Qu'ils se présentent sous la forme de gommes, de pastilles ou de patchs, ils délivrent en continu de faibles doses de nicotine (plus ou moins selon le dosage du substitut). Ces produits ne provoquent pas, ou très rarement, de dépendance. On pense que ce phénomène est dû au fait que la nicotine est libérée progressivement par les substituts, alors que celle apportée par la cigarette se fait de façon intermittente mais en très grande quantité lors de chaque bouffée, comme si le cerveau se retrouvait soudainement inondé de nicotine.

La nicotine n'est pas seule impliquée dans la dépendance

Comment expliquer que les substituts aident les fumeurs à arrêter sur le court terme, mais qu'ils sont nombreux à reprendre rapidement la cigarette ? On estime que c'est le cas de 80% des fumeurs ayant eu recours aux substituts nicotiniques. C'est peut-être parce que la nicotine n'est pas la seule à agir pour maintenir la dépendance. C'est précisément ce que viennent de montrer des chercheurs français. La nicotine se fait aider par une autre substance contenue dans la fumée de cigarette, dénommée inhibiteur de la monoamine oxydase ou IMAO. Ces IMAO annuleraient la protection naturelle qu'ont certains neurones vis-à-vis de la nicotine. Résultats, les neurones sont suractivés par la nicotine, ce qui déclenche et entretient plus aisément le phénomène de dépendance. On peut ainsi expliquer pourquoi les substituts nicotiniques ne sont efficaces qu'en début de traitement, tant que les effets des IMAO persistent. Autrement dit, après quelques semaines d'utilisation de gommes ou patchs à la nicotine, cette substance, seule, ne suffit plus pour combler le manque vis-à-vis du tabac.

En pratique, il serait intéressant de mettre au point de nouveaux substituts au tabac, contenant cette fois une association de nicotine et d'IMAO. Il est probable qu'ils permettraient un sevrage plus efficace sur le long terme.

Enfin, il faut savoir que les IMAO agissent sur certains neurones dits sérotoninergiques, comme le font les antidépresseurs (les IMAO sont eux-mêmes des antidépresseurs, peu utilisés aujourd'hui). Ce fait peut expliquer pourquoi la prescription d'antidépresseurs favorise le sevrage tabagique. Ainsi, les personnes anxieuses et déprimées lorsqu'elles arrêtent de fumer peuvent discuter avec leur médecin ou leur tabacologue de l'opportunité d'une co-prescription de substituts nicotiniques et d'un antidépresseur…

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Source : Jean Pol Tassin (Inserm) et coll., Journal of Neurosciences, 21 janvier 2009.