Sommes-nous si différents des personnes schizophrènes ?
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Et pour les idées délirantes, quelle est la différence entre une personne souffrant de schizophrénie et une personne qui n'en souffre pas ?

JLM : L'idée délirante apparaît souvent à cause des hallucinations ou des modifications émotionnelles. Prenons le cas de quelqu'un qui entend des voix. Il les entend réellement même si vous, vous ne les entendez pas. Le premier réflexe de son entourage, c'est de lui dire : ' Mais non, tu n'as rien entendu '. Lui se dit : ' pourtant, j'entends bien une voix. ' Alors, il cherche une explication, car il est très difficile de rester passif face à quelque chose qui nous angoisse. L'explication qu'il trouve peut paraître impossible ou délirante, mais c'est la seule qu'il trouve. Comment expliquer que quelqu'un puisse lui parler directement dans la tête sans que personne d'autre ne l'entende ? Cela peut être Dieu qui lui parle ? Ou quelqu'un de très puissant ? Quelqu'un qui cherche à le manipuler ? Des extraterrestres ? Un micro dans sa tête ? L'idée délirante est en fait une tentative de rendre intelligible ce que vit cette personne.

S'il nous arrive de croire en des choses non démontrées, c'est généralement face à des événements moins impliquants que d'entendre une voix nous parler ou de sentir nos pensées manipulées par un autre. Si l'on s'imagine à la place de cette personne, on peut penser que l'on réagirait de la même manière.

Le problème, c'est que lorsqu'une personne explique à son entourage ce qu'elle vit et ce qu'elle pense, tout le monde lui dit : ' mais tu es folle ! '. Les malades schizophrènes se retrouvent souvent confrontés à des expériences inquiétantes et étranges, mais ne peuvent pas souvent en parler, ou trouver d'explication acceptée par leur entourage. Ils ont souvent tendance à se renfermer sur elles-mêmes, à se couper des autres, à ne plus parler de ce que les autres ne peuvent supporter d'entendre. Ce qui leur donne encore moins de chances d'envisager différemment ce qui leur arrive.

La schizophrénie est donc un processus, un phénomène dynamique qui se met en place à partir des hallucinations et des modifications émotionnelles et qui conduit aux explications délirantes. C'est pourquoi si l'on prend schizophrénie en charge très tôt, avant que la construction d'idées délirantes et l'isolement ne soient installés, le traitement fonctionne mieux. C'est donc une maladie qui gagne à être détectée tôt. Nous pouvons faire notre possible pour éviter que des nœuds très serrés, donc difficiles à dénouer, se mettent en place. Alors, au moindre doute, il faut vraiment consulter un psychiatre ou un psychologue.

Les personnes atteintes de schizophrénie sont réputées plus dangereuses, voire violentes. Est-ce une réalité ?

JLM : C'est une idée fausse qui fait énormément de mal. La réalité, c'est que les personnes atteintes de schizophrénie sont fragiles et subissent 11 fois plus de violences que les autres. En 2002 par exemple, sur 47.655 personnes mises en cause pour agression, seules 285 ont été considérées comme irresponsables pour cause psychiatrique. Soit 0,59 % des crimes et délits, alors qu'il existe 1 % à 1,5 % de personnes atteintes de schizophrénie*.

Les faits-divers relatés dans les médias sont évidemment dramatiques. Mais s'ils sont montés en épingle, c'est qu'il est angoissant d'imaginer que la violence puisse frapper au hasard. Nous vivons dans une société où nous voulons tout comprendre et tout contrôler. L'incompréhension est à l'origine de peurs irrationnelles. La schizophrénie est une maladie mal connue qui paraît très éloignée de ce que nous pouvons vivre. Les réactions dans les médias sont bien moins nombreuses lorsqu'une personne ivre tue quelqu'un d'un coup de couteau, bien que l'événement soit tout aussi dramatique et insupportable. Il est, pourtant, beaucoup plus fréquent.

Il faut impérativement lutter contre cette fausse idée qui associe violence et schizophrénie. Véhiculer cette idée conduit à stigmatiser les patients et les familles, qui se sentent rejetés et souffrent encore davantage. De plus, cela peut entraîner des retards dans la demande d'aide, face à la maladie.

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Source : * Suicide et schizophrénie : évaluation du risque et prévention, G. Gavaudan, N. Besnier and C. Lançon, Annales Médico-psychologiques, revue psychiatrique, Volume 164, Issue 2, March 2006, Pages 165-175.