Sexualité et maladie cardiovasculaire : ne pas s’abstenir !

Après un accident cardio-vasculaire, la peur de la récidive et de la mort subite, le "maternage" excessif du conjoint, le sentiment de fragilité et de dévalorisation de soi… paralyse : la sexualité n’existe plus. Or, non seulement la sexualité n’est pas risquée pour le cœur, mais elle bonne pour sa santé, y compris après un événement ou une maladie cardiovasculaire.
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L'accident ou la maladie cardiovasculaire porte un coup fatal à la libido

L’impact psychologique d’un accident cardio-vasculaire (syndrome coronarien aigu/infarctus du myocarde, dissection aortique/irruption de sang à l'intérieur de la paroi de l'aorte, accident vasculaire cérébral, chirurgie cardiaque, pose d’un défibrillateur automatique implantable etc.) doit être pris au sérieux car il compromet souvent la vie sexuelle (1), chez l’homme comme chez la femme. La crainte d’un nouvel accident cardio-vasculaire ou de la mort subite en plein ébat sexuel obsède et freinent bien des ardeurs. L’effet de certains médicaments cardio-vasculaires aussi : la baisse de la pression artérielle qu’ils induisent peut aggraver des troubles de l’érection* et plusieurs molécules peuvent chez la femme altérer la libido ou entraîner une sécheresse vaginale**.

De plus, un évènement si bouleversant peut créer une dépression réactionnelle et les médicaments antidépresseurs et anxiolytiques n’arrangent rien à l’affaire : ils peuvent induire une sécheresse vaginale ou des troubles de l’érection. Enfin, avec l’arrêt maladie qui isole la personne, son sentiment de fragilité et de dévalorisation, la fatigue (asthénie)… la sexualité et le désir passent au second plan. Sans parler du tabou qui empêche la personne de s’en ouvrir aux médecins.

Pr Claire Mounier-Vehier, Chef du Service de Médecine Vasculaire et Hypertension Artérielle à l'hôpital Cardiologique (CHRU de Lille) : « De plus en plus de femmes jeunes sont touchées par les accident cardiovasculaires. +18% d’infarctus du myocarde (crise cardiaque) chez les femmes de moins de 55 ans sur 2002-2008 et cela ne cesse de progresser. Et là, les études (2) pointent l’attitude surprotectrice du conjoint qui considère leur femme comme « plus fragile et sont plus hésitants » à être sexuellement entreprenants. Et comme seules 10% des femmes vont en réadaptation cardiaque (3) après une crise cardiaque (contre 30% des hommes), il n’y a aucun moment privilégié pour les informer sur la reprise de la sexualité ! »

Sexualité : moins risquée que de se mettre en colère

Fort heureusement, les sociétés savantes nationales et internationales se penchent enfin sur le sujet (4). Il était temps : seule une personne sur deux après un accident cardiovasculaire reçoit des conseils éclairés en la matière (2)(5).

Il faut dédramatiser : l’activité sexuelle n’est qu’une activité physique modérée (6), d’intensité comprise entre 2,5 à 3,3 METS (30 Watt), soit l’équivalent de la montée d’un à deux étages avec son partenaire habituel (quatre étages avec un nouveau partenaire). Comme toute activité physique, elle accroît le risque d’accident cardiaque au moment où on la pratique, puis ce risque diminue en deux heures. Néanmoins, un accès de colère ou un exercice physique inhabituel ou réalisé dans les 2 à 4 heures après le réveil est bien plus risqué ! Attention à l’impact émotionnel qui joue énormément ; l’activation cérébrale du système nerveux (celui appelé "sympathique") conduit à une accélération de la fréquence cardiaque, à une augmentation de la consommation du cœur en oxygène (son carburant) et parfois à des troubles du rythme cardiaque. Cela explique pourquoi l’activité sexuelle est plus risquée avec un nouveau partenaire. Ça l’est aussi en cas de pratiques sexuelles inhabituelles.

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Source : Tout sur « Sexualité et maladies cardiovasculaires » : www.fedecardio.org
A voir absolument sur ce site  : la vidéo de la réalisatrice Maïwenn (#Préjugés)
D’après un entretien et la conférence du Pr Claire Mounier-Vehier, Chef du Service de Médecine Vasculaire et Hypertension Artérielle à l'hôpital Cardiologique du CHRU de Lille et présidente de la Fédération Française de Cardiologie aux Journées Européenne de la Société Française de Cardiologie (janvier 2016)
**Diurétiques, bétabloquants d’ancienne génération, statines à fortes doses…
**Certains antihypertenseurs, la spironolactone, les diurétiques.
(1) Lindau S et al. Substudy Registre TRIUMPH Am J Cardiol. 2012 May 15; 109(10): 1439–1444; (2) Lindau ST et al. Circulation 2014 Dec 23 ; 130 (25) : 2302-9; (3) BEH, février 2014; (4) Arch Cardiovasc Dis. 2012 ; 105 : 309-28; (5) Appl Nurs Res 2015 Aug ; 28 (3) : 244-50; (6) Recommandations American Heart Association Circulation 2012; (7) Pavy B et al. Arch Cardiovasc Dis 2012. 105-309-28