Chirurgie de l'obésité : le suivi psychologique est la clé du succès

La chirurgie de l’obésité n’est pas une chirurgie esthétique. Toutes techniques confondues, 40% à 50% des patients regrossissent à moyen et long terme. La faute principalement au manque de suivi, en particulier psychologique comme le dénoncent l'Académie nationale de chirurgie et le Collectif National des Associations d'Obèses. L’avis des spécialistes.
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Chirurgie de l’obésité : opérer n’est pas soigner

Le nombre de chirurgies de l'obésité (chirurgie portant sur l'estomac ou bariatrique) s'est élevé à 47 000 en 2014, un chiffre en constante augmentation en France. Mais deux ans après l’opération, rares sont les centres qui suivent encore plus de la moitié de leurs patients. La méthode, trop souvent vue comme un protocole d'amaigrissement sans effort, exige pourtant une surveillance à vie sur le plan nutritionnel et souvent psychologique.

Dr Jean-Yves Le Goff, chirurgien digestif laparoscopique, spécialiste de chirurgie de l’obésité, Hôpital privé Seine Saint-Denis (Le Blanc Mesnil) et Clinique du Trocadéro : « L'une des raisons pour lesquelles la chirurgie de l'obésité échoue est l'insuffisance de la prise en compte des facteurs psychologiques avant et après l'opération, et notamment de la qualité du suivi. Les chances de réussir à moyen et long terme sont maigres si les causes psychologiques, que j’estime personnellement être à 80-90% à l'origine de la maladie, ne sont pas également traitées ».

Anne-Sophie Joly,présidente du Collectif National des Associations d'Obèses (CNAO) : « Plus la préparation psychologique en pré-opératoire a été travaillée, en prenant le patient dans son ensemble, avec son histoire et son vécu, plus les chances de succès en postopératoire après une chirurgie de l’obésité et à long terme sont élevées. Le patient devient alors acteur de sa pathologie. Une thérapie -en posant des mots sur une souffrance- l’apaise ».

Pr François Pattou, chef du service de chirurgie Générale et Endocrinienne, CHRU Lille, Inserm U859 - Biothérapies du Diabète, Univ. Lille Nord : « L’obésité est une maladie multifactorielle dans laquelle les aspects psychologiques jouent un rôle, mais pas d’avantage que les aspects biologiques et/ou nutritionnels ».

Quel rapport entre suivi psychologique et chirurgie bariatrique ?

Selon le Groupe de Réflexion sur l’Obésité et le Surpoids (GROS), les problèmes psychologiques et relationnels peuvent entraîner des modifications dans la façon de manger, en qualité comme en quantité, et ceci parfois à l'insu même de la personne qui peut ne pas avoir conscience de ce changement. Après une chirurgie de l’obésité, les problèmes psychologiques et relationnels, que l'on se masquait en mangeant, sont plus que jamais présents du fait qu'on ne recourt plus à ce système de défense. Néanmoins, une psychothérapie approfondie et de longue durée n’est pas absolument nécessaire pour parvenir à maigrir durablement et l'aide psychologique doit être adaptée au niveau des difficultés rencontrées.

En préalable à la chirurgie de l’obésité, la consultation avec le psychiatre-psychanalyste est indispensable pour évaluer l’état psychologique du patient, déceler des causes psychologiques à la prise de poids (deuil, divorce, abandon, maltraitance infantile, stress non assumé, problèmes sexuels graves) et tester son adhésion au projet thérapeutique.

Dr Didier Pons, psychiatre-psychanalyste, collaborateur de longue date du Dr Le Goff : « La surcharge pondérale peut être le lieu d’expression d’un refuge psychoaffectif sur le mode alimentaire, voire une conduite addictive entravant toute autre possibilité d’expression de son désir. Il est donc fondamental d’évaluer le profil psychologique de la personne, ses fragilités, ses événements de vie et les liens inconscients qu’elle a créé avec ce corps pour arriver à cette situation de surcharge et de dépendance morbide.

Le patient passe alors un contrat avec lui-même. La chirurgie bariatrique devient le point de départ d’une nouvelle approche de sa personne. C’est un starter, pour commencer à dominer ses pulsions et à réfléchir pour manger moins. Il devient alors l’acteur principal du projet et non pas un simple spectateur. Eviter de voir l’un des spécialistes et en particulier le psychiatre trahirait une résistance à son propre changement (peur, appréhension, angoisse, etc.), mettant justement en lumière la nécessité d’un suivi psychologique ».

Anne-Sophie Joly : « En plus de la surveillance chirurgicale, du poids, des éventuelles carences nutritionnelles, le suivi psychologique permet de se repositionner par rapport à certaines dérives alimentaires. Il permet aussi de se protéger, de redevenir un tant soit peu égoïste, pour commencer à aller mieux dans sa santé et dans sa vie ».

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Source : (1) Obésité : prise en charge chirurgicale chez l’adulte. Janvier 2009.