Intestin irritable : l’hypnose au secours des troubles digestifs

Le rapport de l’Inserm* sur l’hypnose a offert ses lettres de noblesse à cette pratique encore confidentielle pour le syndrome l’intestin irritable. Quels sont les arguments en faveur de l’hypnose pour soulager ces troubles digestifs ?
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L’intestin irritable, un champ de la gastro-entérologie démuni

Le syndrome de l’intestin irritable est fréquent, presque 5% de la population française en souffrent à des degrés divers. C’est le premier motif de consultation en médecine générale et 30% des requêtes chez les gastro-entérologues. Or, les soignants sont déroutés devant cette plainte digestive pour laquelle aucune anomalie macroscopique évidente n’est détectée à la coloscopie. Très souvent, les personnes restent sur leur vécu douloureux, parfois minimisé ou nié par les soignants, sans proposition thérapeutique satisfaisante en dehors des médicaments purement symptomatiques (pour la régulation du transit comme la constipation ou la diarrhée, la gestion des ballonnements et des spasmes, la douleur etc.).

Dr Fréderic Laurent, gastro-entérologue libéral, praticien attaché en explorations fonctionnelles digestives (CHU de Bordeaux) et en cabinet, hypnothérapeute : « Les patients qui me consultent pour un intestin irritable ont bien souvent un parcours de vie avec des épisodes de dépression et des évènements déclencheurs étrangement liés à des traumatismes psychologiques (stress, décès etc.). L’imagerie fonctionnelle (non statique) de patients en état d’hypnose a fait naître des hypothèses sur la relation et les potentiels dysfonctionnements entre cerveau et tube digestif. Par exemple, le centre de la douleur viscérale dite nociceptive (la douleur ressentie en cas de syndrome de l’intestin irritable) partage les mêmes régions cérébrales qui gèrent les émotions (cortex préfrontal, cingulaire antérieur). Certaines études avancent même que le microbiome (la population des bactéries intestinales) pourrait influencer l’humeur via la production de substances chimiques (neuromédiateurs) ».

Pourquoi penser "hypnose" dans l’intestin irritable ?

L’hypnose est une technique ancienne, utilisée pour le soin dans les sociétés occidentales depuis au moins 200 ans. Par la parole, le praticien induit chez le patient un état de conscience particulier caractérisé par une indifférence envers l’extérieur et une hyper suggestibilité (disposition psychique qui conduit une personne à prendre les suggestions qui lui conviennent et lui font du bien). C’est cet état de conscience "hypnotique" qui est utilisé pour amplifier les propres ressources internes de lutte contre l’anxiété et la douleur du patient et ainsi faire disparaitre- du moins limiter- les symptômes de l ’ intestin irritable.

Dr Laurent : « Nous pouvons utiliser nos ressources mentales sous-utilisées au quotidien pour accroitre les effets des traitements médicaux. La majoration de l’effet placebo (c’est à dire non lié au médicament lui-même), plus important dans l’intestin irritable que dans bien d’autres pathologies, illustre l’effet du mental dans ce contexte. Ces thérapies alternatives mais complémentaires des thérapeutiques classiques comme l’hypnose sont un espoir pour ces patients et je constate des améliorations évidentes, sur le long terme.

" Dans l’intestin irritable, c’est comme si le cerveau était hypnotisé par le tube digestif : le tube digestif est devenu "hyper-sensible" et le cerveau "hyper-vigilant" c’est-à-dire qu’il capte tout ce qu’il se passe au niveau du tube digestif. En cas de syndrome de l’intestin irritable, le seuil de sensibilité à la douleur est abaissé et, grâce à l’hypnose, nous parvenons à relever ce seuil de la douleur, d’où une amélioration des symptômes douloureux ».

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Source :  
*Evaluation de l’efficacité de la pratique de l'hypnose. Expertise scientifique réalisée par l'unité Inserm U1178 à la demande du Ministère de la Santé (Direction Générale de la Santé). Juin 2015; (1) Lindfors et al. Am J Gastroenterol 2012; 107:276–285 ; Wendy M. Gonsalkorale et al. The American Journal of Gastroenterology 2002, 97:954-961 (3) Webb, Kukuruzovic et al. Cochrane Database Syst Rev. 2007 Oct 17;(4):CD005110. ; (3) Am J Gastroenterol. 2013;108(4):602-609 ; (5) Lindfors, Unge et al. Scandinavian Journal of Gastroenterology Volume 47, Issue 4, 2012
D’après un entretien avec leDr Fréderic Laurent, gastro-entérologue libéral, praticien attaché en explorations fonctionnelles digestives (CHU de Bordeaux), hypnothérapeute