Le gluten n’est pas dans son assiette au pays de la baguette !

Tout comme le tennisman Novak Djokovic, intolérant au gluten, les anti-malbouffe l’ont banni de leur alimentation. Le « nouveau gluten », présent dans le blé du pain et des pâtes notamment, a envahi les menus quotidiens. Résultat : des hypersensibilités digestives, des intolérances et une levée de bouclier généralisée. États des lieux autour du nouvel ennemi des cuisines.
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Le blé aurait changé. Comme le dit le professeur Henri Joyeux, chirurgien cancérologue spécialiste en nutrition et prévention (auteur du livre Changez d’alimentation, Éditions du Rocher), le blé d’aujourd’hui comporte des éléments génétiques en plus, comparé au blé d’hier. Le plus souvent conçu par la firme Monsanto, ce nouveau blé a été modifié pour augmenter les rendements et il est bien plus riche en gluten. La solution du professeur Joyeux ? Faire du pain et des pâtes avec des semences anciennes ! Ce n’est pas tous les jours facile… Mais comme l’agro-alimentaire n’en est pas à un paradoxe près, on trouve désormais des produits « sans gluten » dans toutes les grandes surfaces, comme ceux de la marque Gerblé qui vient de s’offrir pour trois ans Novak Djokovik, le grand vainqueur 2014 du dernier tournoi de tennis Paris-Bercy, pour devenir l’ambassadeur des produits sans gluten bon pour la santé. Depuis que le champion a découvert, il y a une dizaine d’années, qu’il avait développé la maladie cœliaque causée par le gluten, il se sent revivre grâce à sa nouvelle alimentation au point de développer une belle énergie et de remporter de nombreux tournois : tout est écrit dans son livre bien titré, Service Gagnant (Éditions Robert Laffont).

Dépister l’intolérance au gluten

Un pour cent des Français est diagnostiqué intolérant au gluten (maladie cœliaque), sachant que très peu de dépistages sont effectués. Les spécialistes de l’anti-malbouffe telle Marion Kaplan, bio-nutritionniste et auteure du best-seller Alimentation sans gluten ni laitages (Éditions Jouvence Santé), conseille à tous ceux qui ont des problèmes digestifs chroniques – ballonnements accompagnés de diarrhées, constipations, colites, problèmes de peau etc. de consulter et de faire un test car cette maladie devient très handicapante, avec une destruction progressive des parois de l’intestin grêle. Deux options sont possibles aujourd’hui. Des marqueurs sérologiques permettent de retrouver les anticorps positifs ou négatifs face aux protéines du blé par exemple. Plus contraignant, il y a aussi les biopsies et la fibroscopie avec des prélèvements au niveau du duodénum.

Êtes-vous hypersensible au gluten ?

D’après des études récentes (Holmes G, 2013 ; Molina-Infante J et al., 2014, Leonard MM et Vasagar B, 2014), la prévalence de la sensibilité au gluten – qu’on appelle aussi hypersensibilité – non liée à la maladie cœliaque est d’environ 5 à 10 fois plus importante que la maladie, ce qui correspond à 5 à 10 % de la population. Ce chiffre est sensiblement différent de celui annoncé par tous les adeptes de la nutrition saine : il est dit que 20 à 25 % de la population serait sensible au gluten. Mais il est impossible de vérifier ce chiffre puisqu’aucune étude n’a été faite, aucune statistique pour vérifier si cette tendance anti-gluten dit juste, ou si c’est une nouvelle frayeur causée par l’enchaînement successif des crises alimentaires depuis la vache folle. Aux États-Unis par exemple, le « gluten free » fait rage, soutenu par les stars comme Gwyneth Paltrow, les sportifs et un marché florissant qui a gagné près de 30 % de la population. En France, le marché continue sa progression avec Casino, Leclerc ou encore Marque Repère : d’après l’association française des intolérants au gluten, près de 80 marques se sont lancées dans le sans-gluten depuis que cette crise nutritionnelle a pris de l’ampleur ces dernières années. Dans les boutiques bio, on trouve également d’innombrables pare feux au gluten avec une myriade de farines comme celle aux pépins de raisins (véritable alicament), et autres pâtes de riz et produits à base de quinoa. Finalement, il est assez simple de se nourrir sans gluten aujourd’hui. Tant mieux pour les malades !

Quels sont les symptômes d’une hypersensibilité ?En général, cela concerne les personnes qui consomment beaucoup de pain, de pâtes, de viennoiseries, pizzas et tout ce qui comporte du blé et ses dérivés. Les troubles de la digestion sont souvent un signe, surtout quand ils deviennent chroniques. Ils peuvent s’additionner à des maux de tête, voire des migraines, des douleurs musculaires et articulaires (jusqu’à l’arthrose), des troubles de l’humeur, du sommeil. Pour faire cesser les symptômes, il suffit d’arrêter la consommation des céréales incriminées. Mais à la différence de la maladie cœliaque où tout gluten est absolument banni, l’hypersensible peut en réintroduire en petite quantité quelques mois après le sevrage.Mais comme ces symptômes sont quasiment les mêmes que ceux de la maladie cœliaque, la prudence exige que, avant de supprimer le gluten de son alimentation, on consulte et on fasse les tests nécessaires. Car ensuite ceux-ci seront faussés du fait de la restriction du gluten de son alimentation et on risque alors de passer à côté du diagnostic de maladie cœliaque.Quant à l’allergie, qui est très rare, elle se détecte rapidement suite à la réaction allergique juste après consommation du produit avec gluten : les manifestations sont digestives et respiratoires notamment, et il est préférable de consulter les urgences ou le médecin. Trois questions au professeur Henri Joyeux*Hors maladie cœliaque et allergie au gluten, faut-il bannir le gluten de son alimentation ?Attention, il est essentiel de distinguer l’allergie au gluten de l’intolérance au gluten. Beaucoup de personnes confondent et profitent de la confusion. L’allergie responsable de maladie cœliaque, parfaitement identifiée par la médecine est en général définitive. L’intolérance est liée à la consommation de blé aux propriétés viscoélastiques trop importantes et aux protéines à trop fort poids moléculaires qui vont donc donner des glutens trop tenaces donc indigestes pour la plupart de nos contemporains. L’agrochimie fournit des semences dont l’immense majorité est issue d’une sélection clonale, véritable forme d’eugénisme alimentaire. Cette sélection est basée sur une priorité beaucoup trop importante donnée aux « valeurs boulangères », c’est-à-dire des facilités de mécanisation de ce qui a toujours été des gestes manuels, de grandes tolérances-résistances des pâtes qui permettent par exemple des longues conservations, des cuissons à toutes heures. Ce qui est largement pénalisant pour celui qui ingère le produit. Je pense que la principale problématique liée au gluten est aujourd’hui passée sous silence : il y a trop de gluten dans notre alimentation, celui-ci est trop tenace et a subi des fermentations non adaptées.Conseil : l’arrêt de la consommation de ce Gluten permet en une à deux semaines de faire disparaître les symptômes. Il s’agit donc de trouver le pain fait dans les règles de l’art avec des farines de blés parfaitement supportés qui ne fatiguent pas le tube digestif. Que pensez-vous des nouveaux produits sans gluten du type Gerblé ?Ils sont utiles pour seulement 0,5 à 1 % de la population. Pour les personnes en souffrance avec le gluten, il faut les aider à consommer de bonnes farines. Je pense pouvoir assurer que beaucoup de nos variétés anciennes de blés n’auraient jamais du être abandonnées au profit de blé à meilleur rendement et meilleures valeurs boulangères. Ces blés anciens reviennent fort heureusement. Je les ai trouvés en particulier à Cucugnan, entre le département de l’Aude et des Pyrénées Orientales. Là, le boulanger, Roland Feuillas mène depuis 10 ans un travail de recherche global très poussé. Il est acteur de santé. Il couvre la globalité de la filière; de la semence de variétés anciennes au palais des saveurs du consommateur. Il gère à la fois le côté agricole entièrement basé sur une agriculture vertueuse, il est meunier avec une mouture exclusivement obtenue sur meules de pierre et boulanger avec son four en argile à cuisson lente et à chaleur tombante. On pointe du doigt le nouveau blé industriel qui serait plus riche en gluten, mais qu’en est-il des autres céréales du type Kamut ? Faut-il les bannir aussi de son alimentation ?

Concernant le Kamut, il s’agit en fait d’un Blé du Khorasan. Cousine du blé dur, elle offre des valeurs nutritionnelles très intéressantes. Principalement concernant un antioxydant “le sélénium”. Pour ce faire, il faut qu’elle pousse dans des conditions très particulières, que le sol qui la reçoit contienne de ce fameux sélénium. Ce qui m’interpelle le plus dans cette céréale est le fait qu’elle est parfaitement démonstratrice de ce que les Blés de Variétés Anciennes ont à nous offrir. Bien d’autres céréales de ce type sont de vrais trésors qui restent à redécouvrir et relancer. Mon espoir est que les rangs de ceux qui s’intéressent à ces blés grossissent rapidement. Pour ce qui est de la digestibilité du Khorasan de la marque Kamut, de nombreux essais cliniques ont été faits et ont démontré que les soucis de digestion des pains confectionnés avec cette céréale étaient très largement moindres. En France, nous avons la chance d’avoir un Engrain (appelé à tort Petit Épeautre, car il n’est pas un épeautre). Cette céréale est quasiment miraculeuse tant ces valeurs nutritionnelles sont grandes, ses arômes magiques et sa digestibilité particulièrement aisée. Avoine, seigle, orge, maïs issus de l’industrie céréalière ont eux aussi été modifiés. Ils posent les mêmes problèmes de santé. Si à la farine de Kamut on a ajouté du gluten en poudre – ce qui se fait couramment – les mêmes problèmes digestifs sont observés. On se tourne alors vers le sarrasin graine qui n’est pas une céréale, riche en micronutriments ou le millet et le quinoa.

À surveiller : la sortie du prochain livre du professeur Joyeux, Le Pain et le chirurgien.

Végétaux versus gluten

  • OUI aux riz, millet, quinoa, châtaigne, lentille, pomme de terre, pois chiche, lupin, souchet…
  • NON au blé, seigle, épeautre, avoine, orge, kamut…

Shopping gluten free

  • Tartines au sarrasin, farines de riz et graines, Gerblé (3,94 € 350 g), en GMS.
  • Pétales de céréales, Gerblé (4,50 € 300 g), en GMS.
  • Spaghetti au riz complet bio, La Vie Claire (4,95 €, 500 g), en boutiques bio.
  • Torsade au maïs bio, La Vie Claire (4,15 €, 500 g), en boutiques bio.
  • Mix de farines pour pain au sarrasin bio (4,10 € les 500 g) La Vie Claire.
  • Mix pour pain au riz bio (4,10 € les 500 g) La Vie Claire.
  • Farine aux pépins de raisins (6,80 € le sachet de 400 g), Ecoidées, en boutiques bio et sur www.lemondeestbio.com
  • Farine de Millet brun complet bio (variété sauvage), 5,10 €, 500 g, Ecoidées, en boutiques bio.
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Source : "Le gluten n’est pas dans son assiette au pays de la baguette !" , Côté Santé, magazine N° 91, janvier/février 2015. 
*Professeur Henri Joyeux (Cancérologue et professeur des universités).