Médecin traitant : le pourquoi du comment

Quelles sont les grandes failles de notre système de soins ? Pourquoi tant de mécontentement autour du médecin traitant ? Hervé Réquillart*, journaliste, rédacteur en chef du journal médical Impact Médecine et auteur du livre « Santé ? Trop Chère pour vous ! », répond à ces grandes questions.

e-sante : Quelles sont les failles ?

Hervé Réquillart : Depuis 60 ans, notre système de soins était généreux et couvrait le plus largement possible les assurés. À partir des années 80, les coûts de santé ont augmenté de façon continue et le taux de couverture s'est élargi à un maximum d'assurés sociaux. Très rapidement, la situation financière est devenue catastrophique et les gouvernements successifs ont tenté de réagir avec des plans d'ajustement financiers à peu près tous les deux ans. Les réformes ont été tentées par le haut, à l'aide de solutions financières macro-économiques. Elles consistaient à augmenter les cotisations et à réguler l'offre pesant sur les professionnels de santé à partir du postulat suivant : plus il y a de médecins, plus l'offre de soins est importante, générant des actes injustifiés. Pour assurer leur niveau de vie, les médecins avaient tendance à accumuler des prestations pas forcément justifiées.

Avec la réforme 2004, on change un peu d'angle d'approche. Depuis 60 ans, les malades n'étaient pas concernés directement. Par exemple, on les ponctionnait en déremboursant discrètement des médicaments pendant le week-end de Pâques ou pendant l'été. On ne leur a jamais expliqué qu'ils devaient adopter un comportement de consommateur un peu plus raisonnable et avisé. La réforme adoptée en 2004 a postulé sur le fait qu'il fallait peser d'abord sur les comportements des Français et leur dire un peu la vérité, comme cela a été fait de façon un peu dramatisée par Philippe Douste-Blasy dans l'émission «100 minutes pour convaincre». La circulation du patient dans le système de soins doit être plus cohérente afin de réduire les actes inutiles et d'assurer une meilleure qualité de soins. Une des clés du système est d'avoir des médecins et des professionnels de santé paramédicaux qui travaillent ensemble de façon cohérente autour du malade. C'est ce qui a été mis en place depuis deux ans maintenant : le médecin traitant, le parcours de soins coordonné et les sanctions financières en cas de non-respect du parcours.

Mais pour l'instant, les résultats ne sont pas vraiment tangibles et surtout l'aspect bureaucratique l'emporte. Lorsque vous consultez un médecin traitant ou un spécialiste, il existe plus de 50 situations différentes. Les malades, les médecins, mais aussi les délégués de l'assurance de maladie ont vraiment beaucoup de mal à s'y retrouver !

En fait, ce qui manque aujourd'hui c'est la pierre angulaire de la réforme : le dossier médical personnel (DMP). Il sera le lieu de centralisation de toutes les informations de santé du malade et permettra une intervention cohérente et coordonnée de tous. En son absence, le parcours de soins tel qu'il est actuellement, est vécu de façon plutôt bureaucratique tant par les médecins que par les malades.

e-sante : Quand peut-on espérer les premières retombées de la réforme ?

Hervé Réquillart : Ca va prendre du temps. Pour le DMP, le gouvernement affiche un calendrier extrêmement ambitieux, dont tous les acteurs disent qu'il ne sera pas respecté. En 2004, Philippe Douste-Blasy avait annoncé qu'il serait effectif en juillet 2007 pour tous, avec entre-temps une phase d'expérimentation qui devait débuter en octobre dernier et qui finalement vient à peine de débuter. Nous sommes donc déjà en retard sur le calendrier. Par comparaison, les Américains et les Anglais ont des projets du même ordre qu'ils prévoient de réaliser sur 8 à 10 ans, de plus, avec des engagements financiers beaucoup plus importants que ceux annoncés par notre gouvernement. Pire, il n'y a pas encore aujourd'hui de modèle économique précis, c'est-à-dire que personne n'est capable de dire ce qu'il y aura dans le dossier médical et quel sera le coût de gestion d'un dossier, les fourchettes allant de 8 à 25 euros selon les interlocuteurs.

Quoi qu'il en soit, on se dirige dans la bonne direction. Même si patients et médecins vivent actuellement ce parcours de soins entre l'agacement et la désillusion, il ne faut pas rejeter le projet. En revanche, il faut vraiment que les pouvoirs publics arrivent à afficher les objectifs et à mettre en place un dispositif qui soit plus lisible et plus clair pour tout le monde. Les gens n'adhéreront à la réforme qu'à condition d'y voir clair...

* Hervé Réquillart est journaliste, rédacteur en chef de l'hebdomadaire Impact Médecine et auteur du livre « Santé ? Trop chère pour vous ! » aux éditions Jacob-Duvernet.

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