Loi de bioéthique : cru 2002

La révision de la loi sur la bioéthique a été adoptée mardi 22 janvier à l'Assemblée Nationale. Elle interdit toute forme de clonage humain, qu'il soit reproductif ou à visée thérapeutique, et autorise la recherche sur les embryons surnuméraires : de nombreuses questions de fond qui n'auront pas été tranchées sans mal.

Les députés ont terminé l'examen du projet de loi sur la bioéthique et l'ont adoptée en première lecture le 22 janvier 2002, par 325 voix contre 21.Vaste débat entre science et société impliquant la participation de 5 ministères (Recherche, Santé, Famille, Emploi et Justice), il a été, comme le souhaitait Bernard Kouchner, « l'occasion d'ouvrir des perspectives nouvelles pour la Recherche, pour les malades d'aujourd'hui » et ceux de demain. Le fait que l'Assemblée Nationale consacre toute une semaine à l'examen de cette loi, rend compte du caractère exceptionnel qu'elle revêt. Le texte fait suite à la loi de juillet 1994. Cette révision était prévue dès l'origine pour permettre une adaptation à l'évolution rapide des progrès scientifiques et médicaux.Elle comporte une trentaine d'articles sur lesquels ont été déposés par moins de quelques 500 amendements, ce qui témoigne de la passion qui a animé les débats à l'Assemblée nationale, bien au-delà du traditionnel clivage gauche/droite.

Cette révision de la loi de bioéthique va entraîner des modifications dans les règles actuelles de notre société. Voici les principales:

  • L'interdiction de toute forme de clonage, reproductif ou à visée thérapeutique, c'est-à-dire « toute intervention ayant pour but de faire naître un enfant ou se développer un embryon humain qui ne serait pas directement issu des gamètes (spermatozoïdes et ovules) d'un homme et d'une femme ». Tout contrevenant à la loi se verra infliger une peine de vingt ans de réclusion.
  • L'autorisation de recherche sur les embryons humains surnuméraires, c'est-à-dire des embryons congelés à l'occasion d'une procréation médicalement assistée et qui ne font plus l'objet d'un projet parental. Ces embryons que l'on stockait jusqu'à présent (40 000 environ), pourront être utilisés pour la recherche. Les cellules souches embryonnaires pourront être employées à des fins thérapeutiques. Des résultats très encourageants ont déjà été obtenus dans le traitement des maladies neurodégénératives comme la maladie de Parkinson ou celle d'Alzheimer. Leur utilisation est également envisagée dans certains cancers, comme les leucémies par exemple.
  • La mise en place d'une Agence de Procréation, de l'Embryologie et de la Génétique Humaine (APEGH) qui remplacera l'actuelle Commission nationale de la médecine, de la Biologie de la reproduction et du Diagnostic prénatal. Son rôle sera de garantir « vigilance, transparence et information ». Elle émettra un rapport annuel sur l'évolution des techniques de façon à suggérer les modifications législatives nécessaires.
  • L'élargissement du cercle des donneurs vivants à toute personne majeure ayant « un lien étroit et stable » avec le receveur. Jusqu'à présent, les donneurs vivants se limitaient aux personnes ayant un lien de parenté direct: parents, frères et sœurs; enfants et conjoints uniquement en situation d'urgence. Le don devra toujours être basé sur le libre consentement et la gratuité. Cet élargissement a pour but de contrer la pénurie d'organes et d'accroître les chances des patients en attente de greffe. Il adapte également la loi aux évolutions sociales (concubinage, pacs). Ce point a cependant donné lieu à de vives polémiques. Etant donné le caractère « flou » de la définition du lien du donneur avec le malade, le Pr Mattéï craignait que ne soit laissée une porte ouverte au trafic d'organes. D'autres députés ont souligné la nécessité d'intensifier les efforts pour les prélèvements sur les personnes en état de mort encéphalique. Ce sera également chose faite.
  • La recherche de filiation par empreinte génétique sur une personne décédée sera interdite sauf accord de la personne de son vivant. Justement l'Affaire Montant a fait craindre aux députés des exhumations répétées qui seraient contraires à la décence.
  • L'interdiction de breveter le vivant ne faisait pas partie de la proposition initiale du Gouvernement mais a été adoptée en séance. Cette interdiction vise tout élément isolé du corps humain par quelque procédé que ce soit. Cela comporte des organes, des tissus, prélevés ou obtenus par culture cellulaire, mais cela comprend aussi la séquence totale ou partielle de nos gènes. Les Députés ont ainsi clairement signifié que l'être humain, en tout ou en partie, ne pouvait être considéré comme une marchandise et que par conséquent personne ne pouvait se l'approprier.
  • Autorisation du transfert post-mortem d'embryons dès lors que le père y a consenti de son vivant et que la mère ne s'est pas remariée. Cette mesure concerne les couples ayant eu recours à la procréation médicalement assistée et dont l'homme est décédé avant le transfert d'embryon chez la femme. La décision de transfert pourra être prise par la femme jusqu'à six mois après le décès du père et plusieurs essais pourront être tentés pendant une période d'un an. Un transfert réussi mettra fin à toute autre tentative.
  • Autorisation de pratiquer des autopsies médicales même sans le consentement de la famille en cas d'impératif de santé publique, comme la surveillance épidémiologique des encéphalites spongiformes d'origine bovine par exemple. « Elle pourra aussi être utilisée en face d'un syndrome émergent que l'on ne comprend pas » a expliqué le ministre délégué à la santé, Bernard Kouchner.

Cette loi de bioéthique pose des garde-fous quant aux développements des nouveaux procédés de recherche scientifique et médicaux. Mais cette loi ne sera applicable qu'en France. Or, la recherche ne s'arrête pas à nos frontières. Aux Etats-Unis, par exemple, on a déjà breveté des sélections de plantes, des souris transgéniques et même des séquences génétiques humaines. Certains chercheurs ont annoncé leur volonté d'entreprendre des travaux sur le clonage humain à des fins thérapeutiques.Il apparaît donc clairement que cette loi de bioéthique devrait avoir son analogue au niveau international. Alain Claeys, député socialiste à l'Assemblée nationale et rapporteur de la Commission sur la loi de bioéthique propose une réflexion européenne, voire internationale. Il envisage également la création d'un comité d'éthique européen qui pourrait avoir un rôle consultatif auprès de l'Office Européen des Brevets (OEB) lors du dépôt de demandes de brevets.De son côté, Georges W. Bush a clairement annoncé son opposition à toute forme de clonage humain. Il souhaite également la création d'un Comité d'éthique à la Maison Blanche.L'affaire reste à suivre, mais citoyens et politiques devront se montrer vigilants.

Notre Newsletter

Recevez encore plus d'infos santé en vous abonnant à la quotidienne de E-sante.

Votre adresse mail est collectée par E-sante.fr pour vous permettre de recevoir nos actualités. En savoir plus.