Peut-on être heureux dans une société qui stresse ses enfants ?

On lit partout que les Français sont déprimés, que l’avenir est bouché. Même les enfants ont tendance à déprimer. On nous dit que tout s’accélère, que le temps passe trop vite, mais que faut-il faire ? À défaut de trouver de grandes solutions pour l’avenir, ne pourrait-on pas rendre le présent plus heureux, à commencer par celui des enfants ?
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Le célèbre psychiatre, Boris Cyrulnik, vient de se voir confier une mission par la secrétaire d’Etat à la jeunesse, Jeannette Bougrab. L’objectif est de comprendre pourquoi la jeunesse va mal et pourquoi des enfants peuvent se suicider, comme l’actualité récente nous l’a montré.

Dans les faits les suicides d’enfants sont heureusement rares. Ils représentent une trentaine de cas par an pour les moins de 15 ans contre un peu plus de 500 entre 15 et 24 ans. Cependant, Borys Cyrulnik rappelle que « 40% des enfants pensent à la mort à l’école, tellement ils sont anxieux et malheureux ».

Peut-on être heureux dans une société qui stresse ses enfants ?

Les parents d’élèves sont bien obligés de constater que leurs enfants sont souvent stressés, qu’ils ont des emplois du temps bourrés, des cartables insoulevables, des corvées tous les soirs et les week-ends. Quel adulte accepterait de subir un tel rythme depuis que les 35 heures existent ?

On se penche particulièrement depuis l’an dernier sur le stress au travail. On demande aux employeurs de mieux prendre en compte le décalage entre les objectifs demandés aux salariés et les ressources dont ils disposent, source de stress. On conseille de faire appel à des ergonomes pour améliorer les postes de travail. On met l’accent sur la considération à laquelle chacun a droit et sur le harcèlement moral qui est maintenant hors la loi. Que ferait un adulte à qui on remettrait un travail avec la note manuscrite : « Peut mieux faire » ? Il le garderait pour son dossier aux Prud’hommes, non ?

Nous sommes stressés, nos enfants sont stressés, et nous sommes tous déprimés. Cela se comprend. Comment se ressourcer dans notre cocon familial quand nous voyons que nos enfants n’ont pas fini leurs journées et que la sélection est encore et encore en marche ? Nous sommes stressés et donc malades car le stress s’attaque à notre santé, c’est une donnée bien établie.

Que faudrait-il faire ? Supprimer le stress ? Certainement pas, ce serait irréaliste, et de toute façon, le monde est stressant. Ouvrir des perspectives d’avenir pour que nous puissions de nouveau y croire ? Certainement, et tout gouvernement doit s’y employer. Mais cela reste incertain à court terme et l’avenir garde son côté stressant.

Reste que le grand chantier du bonheur simple sera celui de l’école. C’est vraiment un chantier prioritaire car rien ne vaut pour la santé de tous que le rire des enfants. Cela mériterait un véritable Grenelle, celui du bonheur retrouvé. Après tout l’environnement a subi la même logique de dégradation puis de restauration. N’ayons pas peur de restaurer le bonheur.

Source : Le Monde 31 janvier 2011

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