Interview : longévité cardiovasculaire, mythe ou réalité ?

Le polypill, nom d'un brevet récemment déposé, correspond à un cocktail composé d'une statine, de trois antihypertenseurs, d'un peu d'aspirine et d'un soupçon d'acide folique. Selon les auteurs de cette découverte, il permettrait de réduire de 80% les risques de maladies cardiovasculaires. Nous avons recueilli les impressions du Pr Alain Hagège, cardiologue à l'hôpital européen Georges Pompidou.

Croyez-vous à l'efficacité d'un tel cocktail ? N'est-ce pas risqué ?

Pr Alain Hagège : Ce travail est issu d'une analyse de plusieurs articles scientifiques différents ayant testé l'un ou l'autre des produits inclus dans cette pilule miracle. Ces articles s'adressent à des populations différentes de patients. Plusieurs biais d'analyse empêchent d'adhérer aux conclusions des auteurs : 1) l'analyse par regroupement d'articles différents n'est pas pertinente sur le plan statistique; 2) Le fait qu'un médicament diminue les évènements cardiovasculaires défavorables (infarctus...) ne veut pas dire ipso facto qu'il diminue la mortalité totale (qui peut être augmentée en raison des effets secondaires de ces médicaments d'autant plus qu'ils sont prescrits chez des sujets à faible risque cardiovasculaire, ce qui sera le cas si la prescription est systématique dans le population); 3) Si un médicament A est efficace dans une étude et un médicament B dans une autre, rien ne permet de conclure que A+B sera efficace ou plus efficace que A ou B séparé.

Les auteurs de cette découverte proposent effectivement de l'administrer à tous à partir de 55 ans, quels que soient les risques cardiovasculaires individuels. Vous ne partagez donc pas ce point de vu.

Pr Alain Hagège : Non, cette conclusion est malhonnête. Une prescription généralisée ne pourrait être basée que sur une étude ayant démontré une efficacité de cette pilule miracle dans une population large tout venant en bonne santé, étude qui n'a pas encore vu le jour. L'article conclu a un bénéfice potentiel de 80% de réduction du risque cardiovasculaire en additionnant les effets de chacun des produits, ce qui est une erreur d'appréciation. Il paraît beaucoup plus pertinent d'insister sur l'hygiène de vie (activités physiques, alimentation saine) appliquée à une large échelle grâce à des programmes nationaux de prévention adéquats.

Actuellement, un patient ayant souffert d'un infarctus du myocarde doit se soumettre à de nombreux traitements. Sont-ils tous indispensables et efficaces ?

Pr Alain Hagège : Après un infarctus du myocarde, on sait que les patients sont à risque particulièrement élevé de récidive d'accident cardiovasculaire. Il est donc licite, dans cette population ciblée de tenter de diminuer ce risque d'accident. Dans cette perspective, des centaines d'articles scientifiques ayant inclus plusieurs milliers de patients et ayant testé d'abord un médicament, puis en cas de preuves d'efficacité, un deuxième associé au premier etc., ont permis de conclure que, en l'absence de contre-indication, ces patients doivent recevoir dans la plupart des cas : aspirine (ou autre antiagrégant), bêta-bloquant, statine et souvent IEC (inhibiteur de reconversion). Dans cette population très ciblée, des combinaisons de médicaments dans une seule pilule (aspirine + statine par exemple) paraissent tout à fait envisageables.

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