Greffe de visage : quelles retombées ?

La toute récente greffe de visage a eu un éclat médiatique retentissant, amplifié par diverses polémiques. Pourquoi ? Quels étaient les obstacles médicaux ? Quels sont les problèmes éthiques ? Le point sur cette première mondiale, réalisée à Amiens en France.

Rappel des faits

Cette première greffe partielle de visage a été réalisée par les Prs Bernard Devauchelle et Jean-Michel Dubernard, chez une patiente de 38 ans ayant été mordue par son chien. Avant d'accomplir cet exploit, une demande d'autorisation a été faite auprès de l'Agence de biomédecine. L'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) a réuni de son côté un comité d'experts afin d'évaluer les risques et les bénéfices, et de formuler des recommandations. L'accord a finalement été donné, à la seule condition que le prélèvement ne fasse pas obstacle à d'autres prélèvements d'organes du donneur, pénurie d'organes oblige. A la suite de cette intervention réussie et fortement médiatisée, certains ont accusé les chirurgiens d'avoir agi dans la précipitation. Toutefois, il semblerait que cette greffe ait bénéficié d'une convergence de circonstances favorables : une patiente victime d'un accident particulièrement mutilant, une équipe médicale compétente pour ce type d'intervention et un donneur aux caractéristiques immunologiques, anatomiques et esthétiques compatibles. Toutefois, quels qu'aient été les enjeux et les hésitations (risques de l'intervention / risques de ne rien tenter) pour les chirurgiens, la décision est revenue à la patiente. Il est également très clair que la nécessité de trouver une solution rapide avant l'aggravation des séquelles chez la patiente a contribué à accélérer la mise en oeuvre de l'intervention.D'un point de vue éthique, cette greffe ne semble pas poser de difficultés particulières. Elle a été réalisée par une équipe compétente, en l'absence d'alternative thérapeutique et après une information éclairée de la patiente. Le seul souci pourrait venir d'un rejet psychologique du greffon. Mais ce risque est le même quel que soit le type de greffe (prothèse, main, mammaire, rénale, etc.). L'acceptation dépend alors le plus souvent de l'intensité du désir de voir l'opération se réaliser, du vécu de l'intervention et de l'entourage. Avant de parler de progrès médical, il reste deux grandes étapes critiques à franchir. La première est la prise du greffon et la tolérance immunologique de celui-ci. Avec les traitements immunosuppresseurs hautement performants, la période la plus critique est de 3 à 4 semaines. La seconde est la cicatrisation tissulaire, qui comprend notamment la régénération nerveuse, et dont le succès n'est réellement connu qu'au bout d'un an environ. Pour le Dr François Petit, éminent spécialiste de chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique, et auteur de nombreuses publications sur les aspects chirurgicaux, immunologiques et éthiques relatifs à la greffe de mains et de face, les retombées sont très importantes et « la chirurgie réparatrice ne sera plus jamais la même ». « Il y aura un avant et un après cette greffe. Un nouvel étage au bâtiment de la chirurgie réparatrice vient d'être inauguré.» Une nouvelle alternative est aujourd'hui offerte à certains patients actuellement sans solution. Ce même Dr François Petit souligne que cette évolution médicale survient, certes, après les progrès réalisés en microchirurgie et les grandes avancées de l'industrie pharmaceutique (traitements anti-rejets puissants), mais aussi à un moment où l'esthétique est devenu un impératif dans notre société, avec l'obligation d'être au moins normal. C'est précisément pourquoi la communication médiatique a débordé. A l'heure où les diverses techniques de lifting sont déjà hautement médiatisées, comment espérer minimiser un évènement d'une telle envergure ?

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Source : Le Quotidien du médecin, 13 décembre 2005.