Cancer du sein et déodorant, elle court, elle court la rumeur

Depuis une quinzaine de jours, deux études suggérant une relation entre les déodorants et le risque de cancer du sein, sont relatées dans les médias. Qu'en penser ? Le stade de la rumeur est-il dépassé ?

Les déodorants favorisent-ils le cancer du sein ?

Telle est la question soulevée. Dans une étude menée par l'équipe du Dr Darbre sur 20 tumeurs de patientes atteintes de cancer du sein, une concentration importante de parabens (ester d'acide p-hydroxybenzoïque) a été retrouvée à l'intérieur des tumeurs. C'est la première fois que l'on dose directement ces substances dans le tissu cancéreux mammaire. En revanche, le nombre de tumeurs étudiées est particulièrement faible. Le parabens est présent dans l'alimentation et utilisé dans de très nombreux cosmétiques, notamment comme agent anti-microbien dans les déodorants. Cette substance a également des propriétés estrogéniques et c'est pour cette raison qu'elle a été suspectée de favoriser le développement de cancer du sein.

Mais, si le passage du parabens à travers la barrière cutanée et sa migration jusqu'aux seins est fortement plausible, reste aussi à savoir en quelle proportion ? Gardons à l'esprit que les études épidémiologiques antérieures n'avaient pas retrouvé d'augmentation du risque liée aux déodorants en général. Certes, elles ne prenaient pas en compte la composition des produits utilisés et elles étaient sujettes à de nombreux biais.

Rappelons que la formation des cancers mammaires débute très certainement dès l'adolescence et que les estrogènes contenus dans les produits industriels (pesticides par exemple) peuvent potentiellement y jouer un rôle. Cette nouvelle étude apporte ainsi une pierre de plus à cette hypothèse, encore faut-il la confirmer. En conclusion de cette analyse, ne mettons pas la charrue avant les boeufs, nous n'en sommes qu'au stade des spéculations.

Parallèlement, une autre étude suggère une relation entre l'utilisation de déodorant consécutif au rasage des aisselles (lequel en provoquant des micro-lésions laisserait davantage passer de produits chimiques) et le risque de développer un cancer du sein. 437 femmes atteintes d'un cancer du sein ont été réparties en fonction de leurs habitudes d'hygiène corporelle (recours à un déodorant et rasage des aisselles) et de l'âge auquel le diagnostic de cancer du sein a été porté. Le Dr McGrath et son équipe constatent ainsi que les femmes qui recourent fréquemment à ces pratiques d'hygiène ont un diagnostic plus précoce de cancer du sein. Soulignons que cette analyse n'a, là encore, pas tenu compte de la composition des déodorants.

De même, on ne peut que regretter l'absence de comparaison avec un groupe de femmes témoins, c'est-à-dire indemnes de cancer du sein. Rappelons également qu'en 2002, une étude similaire menée sur 1.500 femmes n'avait trouvé aucune relation de ce type.

Les données sont donc encore bien trop insuffisantes pour supposer que l'utilisation d'un déodorant risque de provoquer un cancer du sein. Même si cette relation ne peu être exclue, des études complémentaires et à grande échelle sont indispensables. De même, il faudrait comparer l'importance de ce risque à celle des principaux facteurs de risque du cancer du sein que sont l'âge et les antécédents familiaux.

Rappelons que l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) exerce une surveillance sur ces produits contenant des parabens (utilisés comme conservateurs). Par précaution, elle va sans aucun doute réévaluer la validité de ces études.

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Source : Darbre P.D. et coll., Concentrations of parabens in human breast tumours, Journal of Applied Toxicology, 2004; 24: 5-13 ; McGrath et coll., Eur. J. Cancer Prev., 12(6) : 479-85, décembre 2003.